PARIS, le 23 janvier (Reuters) - Une femme, tenue responsable de son divorce par les tribunaux français pour ne plus avoir eu de relations sexuelles avec son mari, a remporté un appel devant la cour européenne des droits de l'homme, a annoncé la cour jeudi, relançant un débat en France sur les droits des femmes.
La Française - identifiée comme Mme H.W, née en 1955 - a porté son affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en 2021 après avoir épuisé les voies légales en France près d'une décennie après le divorce.
La CEDH a statué que les tribunaux français avaient violé le droit de la femme au respect de sa vie privée et familiale.
Dans la présente affaire, la Cour n'a pu identifier aucune raison capable de justifier cette ingérence des autorités publiques dans le domaine de la sexualité, a-t-elle déclaré dans un communiqué.
La décision de la CEDH survient dans une période d'introspection en France après l'affaire très médiatisée de Gisèle Pélicot, dont le mari était accusé de droguer son épouse et d'inviter des dizaines d'hommes chez eux pour la violer. Cette affaire avait choqué le monde, ravivé des débats houleux en France et transformé Gisèle Pélicot en icône féministe.
Dans un communiqué diffusé par son avocate, Lilia Mhissen, H.W a célébré sa victoire juridique.
J'espère que cette décision marquera un tournant dans la lutte pour les droits des femmes en France", a-t-elle déclaré. "Il est désormais impératif que la France, comme d'autres pays européens tels que le Portugal ou l'Espagne, prenne des mesures concrètes pour éradiquer cette culture du viol et promouvoir une véritable culture du consentement et du respect mutuel.
Mhissen a déclaré que la décision de la CEDH n'a pas d'impact sur le divorce de H.W., qui est définitif. Cependant, elle a souligné qu'elle aura un impact majeur sur la législation française, empêchant les juges français de rendre des décisions similaires lors de futurs divorces.
Cette décision marque l'abolition du devoir conjugal et de la vision archaïque et canonique de la famille", a-t-elle déclaré dans un communiqué. "Les tribunaux cesseront enfin d'interpréter le droit français à travers le prisme du droit canonique et d'imposer aux femmes l'obligation d'avoir des relations sexuelles au sein du mariage.
Le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères de la France, qui représentait le gouvernement français dans l'affaire, n'a pas répondu immédiatement à une demande de commentaire.
La femme, qui a épousé son mari en 1984 et a eu quatre enfants avec lui, voulait le divorce mais contestait d'être tenue pour responsable de la rupture, arguant qu'il s'agissait d'une intrusion injuste dans sa vie privée et d'une violation de son intégrité physique.
Elle a évoqué des problèmes de santé et des menaces de violence de la part de son mari comme raisons pour lesquelles elle n'avait plus de relations intimes à partir de 2004.
Le fait qu'un des enfants du couple soit handicapé mentalement et physiquement a ajouté du stress au mariage.
H.W., originaire du Chesnay près de Paris, a déclaré avoir été profondément traumatisée par la décision, qui légitime un environnement familial où l'intimité et la dignité des femmes sont ignorées et bafouées.
L'affaire de H.W. a été soutenue par deux groupes de militantisme féminin français.
Emmanuelle Piet, à la tête de l'un d'eux, le Collectif féministe contre le viol, s'est dite ravie.
Madame W a passé quinze ans à mener ce combat, et il s'est terminé par une victoire, bravo," a-t-elle déclaré. "Lorsqu'on est contrainte d'avoir des relations sexuelles dans le mariage, c'est du viol.