Le chef de file de l'extrême droite française, Marine Le Pen, a récemment déclaré que la justice utilisait une "bombe nucléaire" pour détruire ses espoirs présidentiels, tout en ajoutant la France aux pays où les accusations de "lawfare" - ingérence politique de la part des juges - prennent de l'ampleur.
Le tribunal a condamné Le Pen et une vingtaine de membres de son parti, le Rassemblement National (RN), pour détournement de fonds européens, entraînant une interdiction immédiate de cinq ans pour se présenter à un mandat électoral, ce qui la privera de la présidentielle de 2027, à moins qu’elle n’obtienne un appel avant cette échéance.
Le Pen, des alliés du RN et des soutiens à travers le monde, y compris l'ancien président brésilien Jair Bolsonaro, se sont insurgés contre cette ingérence dans la démocratie.
Le Premier ministre français François Bayrou a déclaré aux parlementaires qu'il soutenait "sans réserve" le système judiciaire. Selon lui, la décision n’avait pas porté atteinte à la démocratie, même s'il avait "des questions" concernant l'interdiction imposée à Le Pen.
Il a ajouté que si les politiques n'appréciaient pas la législation permettant aux juges de prononcer de telles interdictions, ils devraient la changer. Eric Ciotti, un député allié du RN, a indiqué qu'il chercherait à le faire.
Selon un sondage Elabe réalisé pour BFM TV, près de 60 % des répondants jugent la décision contre Le Pen juste au vu de ses infractions, tandis que 42 % estiment qu'elle est biaisée politiquement. 42 % des électeurs se disent satisfaits du verdict, un tiers se dit mécontent et un autre tiers n'a pas d'opinion.
Mathieu Carpentier, expert en droit constitutionnel à l'Université Toulouse Capitole, a rejeté l’idée que Le Pen était victime d'une "guerre judiciaire". Il a évoqué la solidité des preuves à son encontre et souligné que sa punition correspondait à celle d'un nombre croissant de personnes ayant également subi des interdictions immédiates en vertu des lois anti-corruption durcies en 2016.
Carpentier a noté que le système judiciaire indépendant de la France, ainsi que son processus d'appel robuste, offraient une protection contre des jugements abusifs. Cependant, il a reconnu que la France n'était plus à l'abri des attaques politiques contre son système judiciaire.
Il a exprimé ses préoccupations en disant : "Il est clair que quelque chose commence à pourrir en France. On commence à présumer que, par défaut, dès qu'un juge rend une décision qui ne nous plaît pas, cette décision est nécessairement motivée politiquement."
Il a également cité les menaces contre les procureurs dans le dossier de Le Pen et l'un des juges comme preuve du malaise civique en France. Ces menaces ont continué après que la juge Bénédicte de Perthuis a rendu sa décision, avec sa photo circulant sur des sites extrémistes.
Le Pen, le ministre de la Justice Gérald Darmanin et le Haut Conseil de la magistrature ont condamné ces menaces. La police de Paris a confirmé qu'une enquête était en cours, redirigeant les demandes vers le bureau du procureur de Paris, qui n’a pas donné suite.
Le mouvement de Le Pen a été qualifié de "pure guerre judiciaire", avec des critiques affirmant que la gauche avait trouvé un moyen facile de se maintenir au pouvoir par le biais de l'activisme judiciaire.
Le président américain Donald Trump a également établi un lien entre la décision concernant Le Pen et ses propres batailles judiciaires, déclarant que cela ressemblait à sa propre situation.
Alors que Le Pen s'insurgeait contre sa sentence, elle a promis de poursuivre des voies légales pour rouvrir son accès à 2027, réaffirmant son engagement à respecter les règles de la Cinquième République française.
Son protégé, le président du parti de 29 ans Jordan Bardella, qui est désormais le candidat de fait du RN pour les élections de 2027, a appelé les Français à se mobiliser pour soutenir Le Pen, mais a précisé que ces mobilisations seraient "démocratiques, pacifiques et calmes".